vendredi 29 avril 2016

AD/CD ou La Fin des Haricots Electriques

Après le retraite forcée de Malcolm Young, le remerciement d'un Phil Rudd empêtré dans les ennuis judiciaires, et le départ plus ou moins forcé d'un Brian Johnson souffrant de graves problèmes d'audition, il est évident que la fin n'est plus bien loin pour nos australiens d'adoption préférés. Un groupe qui, avec Axl Rose en chanteur (provisoire ?), un cousin en remplacement d'un frère et le retour du chauve Chris Slade derrière les futs (la seule bonne nouvelle), n'est plus que l'ombre de lui-même mais qui, souvenons-nous !, nous ramona bien les cages à miel avec son excellent hard rock'n'roll bluesy. Et donc deux coffrets, les trois live officiels, le Zornophage ne vous refuse rien. Enjoie !


To BoN, FoReVeR MiSSeD
"Bonfire" (1997)
ou "Tribute to a Lost Friend"

Ho !, le bel hommage que voici, le juste retour, maintenant que Brian est bien installé, sur le vocaliste sans qui rien n'aurait vraiment été possible, Bon Scott évidemment dont la disparition en 1979, ô combien prématurée en plus d'être lugubrement accidentelle, laissa AC/DC orphelins, à jamais. Et on commence en fanfare par un live capté le 7 décembre 1977 aux Atlantic Studios de New York City, 8 titres et 45 trop courtes minutes dans les marques du premier live du groupe qui sortira un an plus tard, seuls Live Wire et Dog Eat Dog sont ici présents et pas sur la légendaire galette, pas des masses mais une belle performance et un beau document d'un groupe qui commence à se tester aux Amériques. Le gros morceau suit, ce Let There Be Rock - The Movie enregistré au Pavillon de Paris le 9 décembre 1979 en support d'un Highway to Hell qui casse la baraque. On y retrouve un AC/DC au sommet de son art, maître d'un hard bluesy tout en riffs faussement simplistes, soli échevelés et vocalises sévèrement burnées, un vrai rouleau compresseur évidemment complété par une section rythmique au diapason. Et donc, 80 minutes durant (si un lecteur y était il pourra témoigner de l'éventuel raccourcissement de l'évènement originel), c'est à une leçon de choses électriques à laquelle nous sommes conviés avec tous les classiques, ou qui le deviendront, magistralement interprétés et un Bon Scott à la gorge délivrant d'authentiques trésors de rocailleuses performances, grand ! Mais il n'est pas encore le temps de se quitter car voici le disque de raretés, bienvenue conclusion pas forcément affolante, des versions alternatives de morceaux de Let There Be Rock et Highway to Hell, un peu de live et des titres qu'on ne trouvait tels quels que dans les pressages australiens (et quelques extraits d'interviews planqués en ghost track), pas la panacée mais encore un peu de Bon, ça ne se refuse pas. Dans son édition originale, celle que j'ai, le machin se présentait dans une belle boîte avec chaque CD doté de sa propre pochette, un beau livret avec un court textes et de nombreuses photos, et, véridique : un poster représentant la pochette (réussie, la pochette), un autocollant moche, un médiator siglé du nom du groupe, un porte-clé décapsuleur (!) itou, et... un tatouage transfert ! Amusant tout ça, pas bien utile mais amusant. Comme la photo cachée de Bon en kilt et cornemuse en ses jeunes années, émouvant aussi, cette dernière. Bref, il y a la musique, et quelle musique !, ce bienvenu témoignage d'un AC/DC encore vert et frais (oui, frais !) mené par Bon Scott... Immense !

CD 1
Live From The Atlantic Studios
1. Live Wire 6:16
2. Problem Child 4:39
3. High Voltage 5:57
4. Hell Ain't a Bad Place to Be 4:13
5. Dog Eat Dog 4:42
6. The Jack 8:36
7. Whole Lotta Rosie 5:11
8. Rocker 5:33

CD 2 et 3
Let There Be Rock - The Movie, Live in Paris
CD 2
1. Live Wire 8:04
2. Shot Down in Flames 3:39
3. Hell Ain't a Bad Place to Be 4:31
4. Sin City 5:25
5. Walk All Over You 5:06
6. Bad Boy Boogie 13:20

CD 3
1. The Jack 6:05
2. Highway to Hell 3:30
3. Girls Got Rhythm 3:20
4. High Voltage 6:32
5. Whole Lotta Rosie 4:55
6. Rocker 10:45
7. T.N.T. 4:13
8. Let There Be Rock 7:34

CD 4
Volts
1. Dirty Eyes (early version) 3:21
2. Touch Too Much (early version) 6:34
3. If You Want Blood (You've Got It) (early version) 4:28
4. Back Seat Confidential (early version) 5:24
5. Get It Hot (early version) 4:17
6. Sin City (Live at TV Show Midnight Special) 4:58
7. She's Got Balls (Live in Bondi Lifesaver Club, You Shook Me All Night Long's B-side) 7:57
8. School Days (from T.N.T., Australian version) 5:24
9. It's a Long Way to the Top (If You Wanna Rock 'n' Roll) (full version, from T.N.T., Australian version) 5:15
10. Ride On (full version & hidden interview bits) 10:03


CHeMiNS De TRaVeRSe
"Backtracks" (2009)
ou "Beaux Restes"

Si Bonfire est un coffret essentiel qu'on conseillera même à ceux qui ne sont pas, à priori, "cœur de cible" des exactions électriques des frères Young et Cie, Backtracks, au moins dans sa version économiquement abordable (pas cette folie à plusieurs centaines d'euros logée dans un vrai si tout petit ampli guitare et ses trois cds et deux dvds), est surtout un objet recommandé à ceux qui ne peuvent pas vivre sans leur dose régulière de nouveauté riffue. Présentement composé de deux cds et d'un dvd, l'affaire n'est pas indigne, d'autant qu'elle est plutôt bien présentée, mais on sent bien que Sony Music, néo-détenteurs du contrat discographique d'AC/DC, a des envies de rapide retour sur investissement. Par le menu, on commence par les raretés studio soit quelques titres sauvés d'éditions australiennes encore fort coûteuses pour ce qui est de Bon Scott (on apprécie comme il se doit) et de faces B et participations à des BO de films pour la période Brian Johnson. Sans que ce soit tout à fait au niveau du meilleur dont ces gars-là sont capables, la collection a du chien et accroche bien l'oreille, en particulier sur un essentiel R.I.P. (Rock in Peace) de la version aussie de Dirty Deeds. Puis viennent les raretés live... OK, ça commence par quatre titres avec Bon, bonne nouvelle et bonnes versions, puis ça continue avec Brian pour une sélection de belles versions de classiques du répertoire du groupe prouvant, confirmant plutôt, la machine de guerre qu'est AC/DC sur scène. Oui mais, à faire une sorte de best of live qui ne veut pas dire son nom, sous couvert que les sources n'ont jamais encore été exploitées, faiblard argument, AC/DC passe sans doute à côté de l'opportunité de nous délivrer d'authentiques surprises, des morceaux rarement joués en concert par exemple, qu'on est sûr qu'ils ont, quelque part, dans leurs coffres forts. Ça reste d’excellente tenue, bien-sûr, mais un peu convenu... Dommage. Et pour ceux que la portion image intéresse il y a évidemment le DVD où, hélas, ce n'est qu'une collection de clips, certains avec Bon Scott étant tout de même assez rares, et de deux making of de vidéos pour celui qui est alors le dernier album en date, Black Ice, dont il s'agit. C'est peu et pas franchement affolant. Alors, voilà, si Backtracks, dans sa version "grand public", est tout de même sympathique il laisse un goût de trop peu qui l'empêche de pleinement satisfaire. Et donc, si vous avez les moyens ou tombez sur la bonne opportunité, misez sur la version deluxe, sinon ?, c'est toujours mieux que rien...

CD 1- Studio Rarities
1. Stick Around 4:40
2. Love Song 5:15
3. Fling Thing 2:00
4. R.I.P. (Rock in Peace) 3:35
5. Carry Me Home 3:58
6. Crabsody in Blue 4:43
7. Cold Hearted Man 3:35
8. Snake Eye 3:16
9. Borrowed Time 3:45
10. Down on the Borderline 4:15
11. Big Gun 4:20
12. Cyberspace 2:58

CD 2 - Live Rarities
1. Dirty Deeds Done Dirt Cheap (Sydney Festival 1/30/77) 5:10
2. Dog Eat Dog (Apollo 4/30/78) 4:30
3. Live Wire (Hammersmith Odeon 11/2/79) 5:06
4. Shot Down in Flames (Hammersmith Odeon 11/2/79) 3:28
5. Back in Black (Landover, MD 12/21/81) 4:19
6. T.N.T. (Landover, MD 12/21/81) 3:53
7. Let There Be Rock (Landover, MD 12/21/81) 7:30
8. Guns for Hire (Detroit, MI 11/18/83) 5:23
9. Rock and Roll Ain't Noise Pollution (Detroit, MI 11/18/83) 4:11
10. This House is on Fire (Detroit, MI 11/18/83) 3:23
11. You Shook Me All Night Long (Detroit, MI 11/18/83) 3:27
12. Jailbreak (Dallas, TX 10/12/85) 13:21
13. Highway to Hell (Moscow 9/28/91) 3:59
14. For Those About to Rock (We Salute You) (Moscow 9/28/91) 6:55
15. Safe in New York City (Phoenix, AZ 9/13/2000) 3:54


CouRaNT FoRT
"If You Want Blood You've Got It" (1978)
ou "Sueur et Sang"

C'est le mètre étalon du live gras et sans artifice, quelque chose qu'AC/DC ne fera plus jamais en vérité, ha ! le précieux !, ce fut aussi, pendant longtemps, jusqu'à la sortie du coffret Bonfire en 1997 en fait, le seul témoignage live officiel de l'ami Bon, et quel témoignage !, c'est le live classique pas excellence d'AC/DC, c'est l'obligatoire If You Want Blood You've Got It. Au chapitre de ce qui fâche, parce qu'il faut bien trouver quelque chose à redire sinon, à quoi bon commenter ?, il y a la brièveté de l'objet, 52 minutes seulement quand on sait que la performance dont il est tiré, celle de l'Apollo Theatre de Glasgow, le 30 avril 1978, dépassait largement l'heure. Et puis c'est tout parce que, franchement, quelle fête électrique de toute première bourre, quelle énergie, quel panache, quelle hargne, quelle classe aussi (parce qu'AC/DC sont gras on oublie trop souvent que tout ceci n'est pas à la portée du premier mulet venu). Évidemment, chacun pourra discuter la tracklist, y pointer les manques dans un catalogue déjà bien fourni (personnellement, je regrette l'absence de Can I Sit Next to You Girl ou Big Balls), mais justement, trop bien fourni et comme on ne peut pas tout avoir et que, objectivement, ce qui fut sélectionné est tellement iconique aujourd'hui (pas d'erreur des frères Young, de leur producteurs, grand frère George et son poteau Harry Vanda, et du reste du groupe, donc) et tellement rondement mené par un groupe forgé à la scène et présentement idéalement capté qu'on rend vite les armes et loue cette légendaire galette à la mémorable pochette et au titre annonçant une des chansons de leur album à venir (l'art du teaser !). En un mot ? Parfait.

1. Riff Raff 5:59
2. Hell Ain't a Bad Place to Be 4:10
3. Bad Boy Boogie 7:29
4. The Jack 5:48
5. Problem Child 4:40
6. Whole Lotta Rosie 4:05
7. Rock 'n' Roll Damnation 3:41
8. High Voltage 5:05
9. Let There Be Rock 8:33
10. Rocker 3:24

Bon Scott : Chant
Angus Young : Guitare solo
Malcolm Young : Guitare rythmique
Cliff Williams : Basse
Phil Rudd : Batterie


WoRLDWiDe eNTeRPRiSe
"Live" (1992)
ou "Live Triomphant"

Ce Live de 1992, c'est le triomphe d'un comeback en forme de production hollywoodienne par les résistants mais présentement presque miraculés australiens d'adoption les plus célèbres au monde, AC/DC, bien-sûr. C'est aussi une bonne grosse galette de rock gras et millimétré, l'un n'empêche pas l'autre, qu'on peut goûter sans les images, qui sont pourtant devenues parties intégrantes de ce qu'on imagine être une performance "in vivo" de ces affreux plus tous jeunes. Plus tous jeunes ? Certes mais quelle énergie encore, quelle maîtrise de sa propre voix (et voie) aussi ! Parce que si AC/DC a connu des vaches maigres, ça descend dès For Those About to Rock (1981) avant de remonter à partir de The Razor's Edge (1990), relatives les vaches maigres pour un groupe qui continuait à grassement écouler son back-catalogue, jamais la formation n'a trahi la musique, ce hard rock gorgé de blues et d'humour gras, souvent sous la ceinture, qu'elle joue depuis toujours, depuis l'écumage de bars avec un Angus qui avait presque l'âge de sa légendaire tenue d'écolier. Et c'est là, là et dans un certain talent tout de même, que réside la renaissance populaire d'Angus, Malcolm, Brian et Cie, dans cette fidélité, cette consistance dans l'usinage du riff qui finira par payer, ce qui n'était que mérité. Et donc ce Live de 1992, grosse machine, gros son, tous les classiques ou presque, quelques morceaux plus récents au passage, qui s'intègrent bien, des soli à gogo comme de bien entendu, un trio rythmique qui tient la machine comme pas deux (et merci à Chris Slade qui vaut tous ses devanciers et successeurs dans l'art du badaboumage énergique et précis), et un Brian encore très en voix (même si, tous les chanteurs vous le diront, on a mal à la gorge rien qu'à l'entendre) qui fait son boulot comme l'immense professionnel qu'il est, bref, garanti sur facture, déception impossible à qui aime ces cinq là. Évidemment, ce n'est plus l'AC/DC de Bon Scott, ils n'y peuvent rien !, mais c'est un fichue formation de rock and roll, et généreuse en plus avec ses grand-messes, alors, de 2 heures et demies. Forcément, l'album ayant connu deux éditions, on recommandera la présente, la double !, parce qu'avec ces lascars-là, plus, ce n'est jamais trop. Autre chose ? Ha oui, recommandé mais vous aviez déjà dû le comprendre !

CD 1
1. Thunderstruck 6:34
2. Shoot to Thrill 5:23
3. Back in Black 4:28
4. Sin City 5:40
5. Who Made Who 5:16
6. Heatseeker 3:37
7. Fire Your Guns 3:40
8. Jailbreak 14:43
9. The Jack 6:56
10. The Razors Edge 4:35
11. Dirty Deeds Done Dirt Cheap 5:02
12. Moneytalks 4:21

CD 2
1. Hells Bells 6:01
2. Are You Ready 4:34
3. That's The Way I Wanna Rock 'N' Roll 3:57
4. High Voltage 10:32
5. You Shook Me All Night Long 3:54
6. Whole Lotta Rosie 4:30
7. Let There Be Rock 12:17
8. Bonny 1:03
9. Highway to Hell 3:53
10. T.N.T. 3:48
11. For Those About to Rock (We Salute You) 7:09

Brian Johnson : Chant
Angus Young : Guitare solo
Malcolm Young : Guitare rythmique
Cliff Williams : Basse
Chris Slade : Batterie


GRiNTa!
"Live at River Plate" (2012)
ou "Vieux mais pas cuits"

"Les héros sont vieillissants ? Ecoutez voir ce Live at River Plate de 2009 (sortie en 2012) et revenez me voir !" C'est, en peu de mots, ce qu'on pourrait dire de ceux qui aiment à critiquer cette vieille baudruche australienne (d'adoption) d'AC/DC, tout en précisant qu'avec Bon Scott, ha !, c'était autre chose (on s'épargnera l'avis des réfractaires de tous temps, restons tout de même entre personnes de bon goût !). Et, donc, oui !, c'était autre chose mais ce qu'AC/DC fait depuis, et les performances scéniques qu'il délivrèrent jusqu'au remerciement cavalier de l'ami Brian et son remplacement au pied levé par Axl Rose, le jury est encore réuni là dessus, est une inattaquable preuve d'intégrité rock'n'rollesque en plus d'une évidente démonstration du respect qu'ils ont pour leurs fans. De fait, AC/DC fait le métier pour les argentins qui se sont massivement réunis devant eux. On a droit à quelques nouvelles chansons (parce qu'il faut bien vendre le petit dernier, en l'occurrence le pas très enthousiasmant Black Ice) mais on revient vite aux classiques, auxquels on sait qu'on aura droit, qu'on se plaint de toujours entendre mais dont on ne comprendrait pas l'absence, et donc Back in Black, Dirty Deeds, The Jack, Hells Bells, T.N.T., Whole Lotta Rosie, Let There Be Rock, Highway to Hell, pour ne citer qu'eux, avant le traditionnel final sur l'attendu For Those About to Rock (We Salute You), aucun classique ne vous sera épargné, et la performance, aucune surprise là dedans, est dans les marques du Live de 1992, avec peut-être un Brian un peu plus fatigué, quoique.... Bref, de l'AC/DC qui ne surprend aucunement mais contentera les amateurs d'un quintet qu'on ne reverra plus avec ce line-up, la maladie de Malcolm, les ennuis de Phil, le licenciement de Brian sont passés par là... Une opportunité à ne pas manquer !

CD 1
1. Rock 'N Roll Train 4:41
2. Hell Ain't a Bad Place to Be 4:27
3. Back in Black 4:14
4. Big Jack 4:07
5. Dirty Deeds Done Dirt Cheap 4:58
6. Shot Down in Flames 3:47
7. Thunderstruck 5:32
8. Black Ice 3:43
9. The Jack 10:11
10. Hells Bells 5:38

CD 2
1. Shoot to Thrill 5:55
2. War Machine 3:39
3. Dog Eat Dog 5:09
4. You Shook Me All Night Long 4:01
5. T.N.T. 3:57
6. Whole Lotta Rosie 5:57
7. Let There Be Rock 18:05
8. Highway to Hell 4:43
9. For Those About to Rock (We Salute You) 7:44
Bonus
Live at the Circus Krone, Munich, 17/06/03
10. Rock N' Roll Ain't Noise Pollution 4:26
11. If You Want Blood (You've Got It) 5:25
12. What's Next To The Moon 4:17

Angus Young : Guitare
Malcolm Young : Guitare
Cliff Williams : Basse
Phil Rudd : Batterie
Brian Johnson : Chant


lundi 25 avril 2016

Zornophagie 2016 (1er trimestre)

Plutôt que de vous abrutir mensuellement des exactions plus ou moins musicales de Mon Héros, j'ai décidé de vous proposer des récaps trimestrielles d'icelles faites de courts billets explicatif pour chaque opus. Je complèterai, à l'envie, de sorties de chez Tzadik, comme cette fois, ou de nouveautés jazz ou "à la marge" (comme l'ultime album ici proposé). Enjoie !

eN VoiX
John Zorn "Madrigals" (2016)
ou "Nuit sur le Mont Zorn"

Il semblerait que John Zorn soit de plus en plus attiré par la voix, tant mieux. Aussi quand il invite l'ensemble des Saphittes (qu'on avait déjà repréré sur le Frammenti del Sappho de Mysterium et pour la version du new yorkais du Cantique des Cantiques) pour une évocation sensuelle et passionnée des œuvres du poète romantique Percy Bysshe Shelley, c'est un bonheur auquel on ne résiste pas. Parce qu'on ne résiste pas à des vocalises qui, unissant l'avant-garde (l'atonalité étant une composante décisive de l’œuvre) et le sacré (l'influence de chants monacaux ou liturgiques est évidente), vous emmène dans un monde aussi dépaysant  que beau, un monde où se côtoient les anges et les démons dans une polyphonie mêlant extraits de vers et transes vocales qui, techniquement parfaites, n'en oublient pas d'être émotionnelles. Bref, en deux livres, 10 vignettes toutes plus réussies les unes que les autres et 39 trop courtes minutes (on en aurait bien repris une petite tranche ou deux), c'est à un vrai trip que Zorn et ses Saphittes nous invitent, et ça, ça ne se refuse pas.

Book I
1. Adonais 3:17
2. The Witch of Atlas 3:52
3. Epipsychidion 3:49
4. The Devil’s Walk 2:35
5. Endymion 5:43
Book II
6. Ocean Nymphs 5:18
7. Old Silenus 3:21
8. Twilight Phantasms 3:59
9. Queen Mab 3:28
10. Universal Pan 3:41

Lisa Bielawa: Voice
Sarah Brailey: Voice
Rachel Calloway: Voice
Mellissa Hughes: Voice
Jane Sheldon: Voice
Kirsten Sollek: Voice

Jane Sheldon

oRGaNiC
John Zorn "The Hermetic Organ vol. 4—St. Bart's" (2016)
ou "Zorn's Klavier"

Toujours seul, toujours en totale improvisation (même si on se doute qu'il y a des petits machins préparés d'avance), Zorn revient avec le quatrième volume de ses aventures "organiques". Et quoi de neuf, au fait ? Ben, pas grand chose en vérité. Zorn continue d'y hanter l'instrument produisant bruits et mélodies, et parfois les deux à la fois, évoquant des vampires et des démons, cette musique serait parfaite pour un Nosferatu par exemple, avec une évident maîtrise en plus d'un audible amusement du bon tour qu'il est en train de jouer à un public médusé. En gros, si vous aviez aimé les volumes 1, 2 et 3, vous aimerez le 4. Si vous aviez trouvé ça ennuyant (je ne vous comprend pas mais tout est possible), vous aurez raison de vous en tenir éloigné. Parce que, voilà, c'est de Zorn à l'orgue dont il s'agit, un domaine qu'on a appris à connaître et dans lequel, s'il ne surprend plus, nous offre une nouvelle tranche d'aventures soniques uniques qu'on accueille avec plaisir.

Office Nr. 14
1. Bell, Book and Candle 14:20
2. The Witch's Sabbath 24:30

John Zorn: Organ

John Zorn

PRoG' PoWeR
John Zorn/Simulacrum "The Painted Bird" (2016)
ou "Simulacrum IV"

Un nouveau Simulacrum, le quatrième déjà, et une belle nouvelle pour une équipe cette fois enrichie d'un percussionniste (Ches Smith) et du divin vibraphone de l'habitué Kenny Wollesen (toujours une bonne nouvelle ça), comme on n'a pas été déçu par les épisodes précédents, on en salive d'avance ! Comme avec Zorn rien n'est jamais fait au hasard, cet ajout de personnel coïncide avec une altération notable du heavy jazz prog des trois volumes précédents rapprochant, cette fois, Simulacrum d'une version "sévèrement burnée" des Dreamers. Et ça fonctionne ! Bien mieux que quand le trio s'était précédemment vu adjoint deux nouveaux compères (sur The True Discoveries of Witches and Demons, avec pourtant Marc Ribot et Trevor Dunn) où la normalisation avait été dommageable à l'identité de la formation. Cette fois, ce petit coup d'exotica par ici, cette petite pincée de surf rock par là, etc., va parfaitement au teint du trio augmenté, lui offre de nouveaux et attrayants atours qui ne minorent en rien son mordant. Et puis, quel plaisir que d'entendre l'ami Wollesen et son gracile vibraphone ! Évidemment, tous les participants sont au diapason de la performance du précité, Medeski et son orgue tantôt lourd, tantôt baladin, Grohowski, un monstre de batteur aussi puissant que fin, Hollenberg dont on apprécie toujours autant le tranchant des riffs et l'arraché des soli, et les percussions africaines de Smith pour un plus de tribalisme discret mais bienvenu. Très content de son nouveau joujou (quatrième album en à peine plus d'un an, tout de même !) Zorn lui a qui plus est offert des compositions qui pour être immédiatement reconnaissables comme étant de lui, sont suffisamment inspirées et habitées pour qu'on évite la redondance. The Painted Bird ? La quatrième très belle aventure du nouveau combo qui rentre dedans de John Zorn qui, comme Naked City, Electric Masada et Moonchild avant lui, offre aux amateurs de l'hyperactif new-yorkais comme aux amateurs de fusion progressive cuirassée, des frissons de la plante des pieds à la pointe des cheveux.

1. Snakeskin 7:43
2. Plague 2:58
3. Ravens 3:51
4. Comet 3:20
5. Cinders 3:23
6. Nettles 3:06
7. Night 5:19
8. Spike 3:27
9. Missal 4:19

John Medeski: Organ
Kenny Grohowski: Drums
Matt Hollenberg: Guitar
&
Ches Smith: Congas, Voudun Drums
Kenny Wollesen: Vibes

Kenny Wollesen

aNGeS 27
John Zorn "Flaga: The Book Of Angels Volume 27" (2016)
ou "Angels Trio"

Et un Book of Angels de plus, un ! Il parait qu'on arriverait bientôt à la fin de la série, vu la qualité d'icelle, on n'est pas pressé. Et ce n'est pas ce 27ème opus qui va changer la donne, ha, ça non ! D'autant que le trio inédit concocté pour l'occasion, un beau trio de trois valeurs montantes de la nouvelle scène jazz U.S. mené par le pianiste Craig Taborn qui avait déjà frayé avec des amis de Zorn, Tim Berne et Dave Douglas, et n'est donc pas étranger à l'univers du new-yorkais. Comme en plus il est secondé d'une excellente paire rythmique (Christian McBride, qui a joué avec à peu près tout le monde et souvent très bien, à la contrebasse, faut-il le préciser, et Tyshawn Sorey, riche batteur plutôt versé dans le free et l'avant-garde jazz) on a d'emblée l'assurance que ces gars-là sauront se trouver. Dans les faits, c'est sans l'ombre d'un doute l'album le plus classiquement jazz de la série où, sans que soient tout à fait gommées les racines klezmer indissociables d'un Livre des Anges, l'arrangement de Taborn tire clairement et décisivement la partition de Zorn dans son monde à lui. Du coup de la rencontre, de l'assimilation de l'un par l'autre résulte un étonnant animal d'un Masada qui n'a jamais été aussi dépaysé qu'ici, et tout ceci sans le moindre artifice, de la pure musique de trio jazz comme on en fait depuis près d'un siècle, fort ! Fort, parce que convaincant, parce que la souplesse d'une partition, l'exceptionnelle performance d'un trio (Ha ! Sorey, quel diable !) où trois individualités se renforcent mutuellement. On approche de la fin de la série des Anges, parait-il... Avec de telles galettes, ce sera avec regret.

1. Machnia 7:59
2. Peliel 4:34
3. Katzfiel 4:18
4. Talmai take 1 4:43
5. Shoftiel 10:41
6. Agbas 4:08
7. Rogziel 2:38
8. Harbonah 4:09
9. Talmai take 2 5:42

Craig Taborn: Piano
Christian McBride: Bass
Tyshawn Sorey: Drums

Craig Taborn

BONUS
ouTReMoNDe
Cyro Baptista "Bluefly" (2016)
ou "Voyages en Baptistie"

Six ans qu'on l'attendait ! Six ans depuis la dernière parution de son Banquet of the Spirits, un Book of Angels, Caym, volume 17 de la série et toujours aussi recommandé, et enfin le retour du foutraque percussionniste et vocaliste brésilien avec une de ces fusions tous azimuts dont il a le secret. Comme d'habitude, autour d'une petite unité de base (Tim Keiper, Ira Coleman et Vincent Segal secondent Cyro) c'est à un large casting que nous avons affaire, exactement ce qu'il faut pour habiller les fantaisies exploratrices d'un Baptista toujours plus libre, toujours plus haut ! Parce que Bluefly, mamma mia !, quelle claque. Qu'il nous travaille en douceur Carioca (Menina) ou en tribalisme (Trovão), qu'il reste fermement ancré en son Brésil natal (Bala) ou s'aventure en orient (Kong), c'est un Cyro divin, un nectar des Dieux, qui nous est offert. Plus mesuré, plus nuancé que les beaux albums qui jonchent son passé en solo, Bluefly est un galette douce et chaude, chatoyante et chaloupée où les rencontres sont toujours heureuses, les glissement avant-gardistes (le rampant Hammer par exemple) jamais barbants et qui, 47 minutes durant, nous invite dans un voyage en sons, et en performances instrumentales impeccables évidemment, à chambouler les sens. Essentiel !

1. Menina 4:40
2. Trovão 4:28
3. Kong 2:25
4. Bala 5:18
5. Tarde (homage to luiz vieira) 4:46
6. Hammer 3:06
7. Aguidavi 4:21
8. From The Belly 4:53
9. T Rex Constitution 3:11
10. Love Song 5:58
11. Under The Influence 2:34
12. Menina Interlude 1:18

Cyro Baptista: Percussion, Vocals
Tim Keiper: Kamel Ngoni, Drum Set
Ira Coleman: Bass
Vincent Segal: Cello
&
Romero Lubambo
: Guitar
Brian Marsella: Shahi Baaja, Andes #25F, Fender Rhodes
Ikue Mori: Laptop
Amir Ziv: Drums
Mark Ari: Samples
Justin Bias: Samples
Kevin Breit: Mandolin Orchestra
Cabello: Percussion
Felipe Calderon: Samples
Andy Caploe: Samples
Alessandro Ciari: Samples
Cadu Costa: Guitar, Clarinet
Chikako Iwahori: Surdo
Franca Landau: Samples
Zé Maurício: Surdo
Marcelo Paganini: Samples
Max Pollak: Surdo
Steve Sandberg: Samples
Leni Stern
Gene Torres
: Samples

Cyro Baptista

SPiRiTS oF THe eaST
Blue Buddha "Blue Buddha" (2016)
ou "Jazz Trip"

D'abord, on est interpellé par la formation, le trompettiste du Masada de Zorn, disciple élégant et inspiré de l'immortel Miles et de Don Cherry, Dave Douglas, le vétérant bassiste new yorkais amoureux de dub par dessus tout mais fondamentalement multicarte, Bill Laswell, le puissant et créatif Tyshawn Sorey à la batterie et, qu'on a croisé chez God Is My Copilot ou Rashied Ali, Louie Belogenis au sax ténor, on se demande bien à quelle sauce on va être mangé... Et puis on glisse la galette et là, c'est un chaos brillamment orchestré qui nous accueille à commencer par un Purification, gros morceau d'introduction avec ses douze minutes, en lent et long crescendo jusqu'à une explosion où, double soli croisés, Douglas et Belogenis se croisent, s'opposent, se complètent. Et puis on barre en free avec un duo Sorey/Belogenis qui n'aurait pas déplu au regretté Ornette et doit ravir le patron de leur label (John Zorn) lui-même client de telles exactions. Et voilà les deux pôles de la galettes installés, des exploration quasi-mystiques où la basse aquatique de Laswell fait merveilles aux saillies bruitives et jouissives (Ha! Wrathful Compassion, ça pète !) et parfois aux deux à la fois (Diamond Vehicle). Album de jazz à la marge fomenté par quatre excellents instrumentistes, Blue Buddha ne sera pas à mettre entre toutes les oreilles mais, pour les amateurs de jazz aventureux, quel trip !

1. Purification 12:14
2. Double Dorje 5:29
3. Renunciation 8:11
4. Truth of Cessation 9:40
5. Wrathful Compassion 3:54
6. Diamond Vehicle 6:54
7. Lineage 6:53

Dave Douglas: Trumpet
Bill Laswell: Bass
Louie Belogenis: Tenor Saxophone
Tyshawn Sorey: Drums

Dave Douglas

TeRRe PRoMiSe
Daniel Zamir "Redemption Songs" (2015)
ou "Ethnojazzism"

Un des plus beaux représentants du jazz israélien, une musique entre traditions (jazz et juives), transe et communion, c'est Redemption Songs, cru 2015 de Daniel Zamir pour le label de John Zorn, Tzadik. En fait, Zamir, c'est un peu le Coltrane israélien. Aussi à son aise à l'alto qu'au soprano (à quand le ténor ?), il déverse des torrents de notes qui, venant d'un autre, auraient tout de l'onanisme instrumental mais qui, par le feu sacré qui semble l'habiter ne ratent jamais leur cible. Évidemment, le monsieur sait aussi se faire plus sensuel, ralentir le tempo, chatoyer juste ce qu'il faut sans tomber dans le racolage, et brandir fièrement ses racines via l'implantation durable des divers folklores juifs dans son jazz à la fois hybride et traditionnel. En ceci, Redemption Songs n'est pas bien différent des nombreux albums qui l'ont précédé sauf que, est-ce l'équipe présentement réunie ?, une sélection de compositions encore plus inspirées qu'à l'accoutumée, il est encore meilleur. Du coup, on le recommande chaudement à ceux qui connaissent déjà le bel animal, qui ne seront fatalement pas déçus, comme aux nouveaux venus qui découvriront une des plus belles forces continuant de donner vie à un jazz qui naquit à la fin des années cinquante et qu'on est bien content de voir ainsi perdurer, si bien représenté.

1. Eleven 5:29
2. Forty One 7:06
3. Twenty Three 9:22
4. New Five 9:16
5. Forty 5:39
6. New Thirteen 4:59
7. Seventy Seven 7:07
8. Seventeen Eight 4:26
9. Twelve B 4:45

Daniel Zamir: Alto and Soprano Saxes
Gilad Abro: Bass
Amir Bresle: Drums
Mark Guiliana: Drums
NitaI Hershkowits: Piano
ShaI Maestro: Piano
Haggai Cohen Milo: Bass

Daniel Zamir

SPoTLiGHT
Bret Higgins' Atlas Revolt "Bret Higgins' Atlas Revolt" (2015)
ou "Fusion Sans Frontière"

Un joli petit cousin des œuvres "dreamesques" de John Zorn, ça vous dit ? Ça tombe bien, l'Atlas Revolt du canadien Bret Higgins et leur premier album éponyme, paru dans la série Spotlight du label de John Zorn, Tzadik, sont là pour ça ! Des preuves ? Sans rentrer dans le détail, afin de ne point trop déflorer l’œuvre qui, franchement, mérite le détour, on s'y retrouve avec du klezmer rock de toute première bourre (Atlas Revolt, Sanan), passe faire un tour en territoire tzigane (El Metale) avant de se retrouver dans un western de Sergio Leone (All About the Starry Dark)... Rien que ça ! Et la suite est à l'avenant avec un groupe aux petits oignons (le violoniste Aleksandar Gajic et le pianiste Robbie Grunwald sont des noms qu'on suivra de près, nulle doute) et une mise en son au diapason. Reste, à partir de là, à attendre la suite des aventures de cette fine équipe et de recommander à tous les amateurs de jazz mélodique, ouvert et chamarré de se plonger dans cette passionnante galette inaugurale.

1. Atlas Revolt 4:32
2. El Metate 4:32
3. All About The Starry Dark 4:36
4. Zagazig 4:09
5. Electric Sinner 5:14
6. Sanan 4:04
7. Meat For Dogs 4:05
8. Flashbulb Memories 4:50
9. Vorticism 3:55
10. Jakaranda 3:03

Aleksandar Gajic: Violin
Robbie Grunwald: Electric And Acoustic Pianos
Bret Higgins: Double Bass
Tom Juhas: Electric Guitar
Joshua Van Tassel: Drums, Percussion

Bret Higgins

HoRS SéRie
Médéric Collignon "MoOvies" (2016)
ou "Fusion Grand Ecran"

S'il y a une constante dans les œuvres de Médéric Collignon et de son Jus de Bocse, c'est l'amour d'hommager, que ce soit Miles sur un Porgy and Bess (ok, un peu Gershwin aussi) et un Shangri Tunkashi-La ou Robert Fripp sur l'excellente précédente offrande de la formation et de son turbulent leader (à la Recherche du Roi Frippé), le garçon s'est fait une spécialité des covers inspirées. S'attaquant présentement à un nouveau répertoire (dont les illustres auteurs ont pour nom Lalo Schifrin, David Shire ou Quincy Jones... Ça situe le style et la préoccupation de l'opus) Médéric Collignon ne déçoit pas faisant subir à ces compositions, certaines fort connues d'autres nettement plus obscures, le même genre de traitement à la fois respectueux et iconoclaste dont il est capable. Il faut dire que le bougre n'a rien perdu de sa légendaire énergie ni de son immense imagination ou de son vrai beau talent d'arrangeur dans le retraitement de vieilles scies à qui il offre une belle nouvelle vie entre respect et détournement. Tout ça fait de MoOvies un album de jazz hautement cinématique, complètement trippant et ultimement réjouissant, la routine pour Médéric ! Recommandé.

1. Snow Creatures 12:00
2. Dirty Harry's Creed 5:29
3. Scorpio's Theme 6:28
4. Brubaker Adagio's and Coda 3:49
5. The Taking of Pelham 1,2,3 2:55
6. The Pelham's - Moving - Again Blues 5:09
7. On the Way to San Mateo 6:56
8. Robbery Suspect 4:36
9. Money Runner 3:49
10. End Titles 4:01
11. Money Montage 5:02
12. Up Against the Wall 8:36

Médéric Collignon - cornet, bugle, chant et effets
Yvan Robilliard - Fender Rhodes
Philippe Gleizes - batterie
Emmanuel Harang - basse

Médéric Collignon

vendredi 22 avril 2016

the Many Worlds of Storm Thorgerson (Vol. 1/3: 1971-1976)

Si certains artistes graphiques ont un style qu'on reconnaît entre mille (je pense par exemple à Roger Dean), d'autres sont des caméléons qui offrent aux artistes pour lesquels ils travaillent un emballage toujours adapté ou, au moins, imaginatif. C'est dans cette catégorie que se situe le regretté Storm Thorgerson qui était, comme nous allons le voir en trois parties, bien plus que le concepteur des pochettes de Pink Floyd, même si c'est évidemment pour ça qu'il était le plus connu. Bref, c'est surtout pour moi une belle occasion de vous proposer de la bonne musique tous azimuts... Enjoie !

LeS MéCoNNuS
Edgar Broughton Band "Edgar Broughton Band" (1971)
ou "Dans l'lard, Edgar!"

C'est la seconde génération de l'Edgar Broughton Band, presque encore un groupe de gros rock qui tâche quelque part entre Blue Cheer, Black Sabbath et Led Zeppelin, pas assez beaux ni assez chanceux pour décrocher un vrai succès et revenant, présentement, avec un guitariste de plus (également claviériste occasionnel) pour enrichir le son, et à l'éponymie comme une relance après deux albums dont la réputation n'a pas fait la vente. Toujours chez Harvest, avec une pochette cette fois conceptualisée par Storm Thorgerson (à qui on se demande bien ce qui est passé par le crâne), c'est donc un Edgar Broughton version ++ qui se présente. Est-ce que ça change beaucoup de choses ? Oui et non. Oui parce que l'addition d'un quatrième membre, Victor Unitt, qui restera trois albums avec le groupe, est décisive en ce qu'elle permet à l'Edgar de se faire encore plus théâtral, de libérer son jeu de guitare aussi, de nuancer son propos enfin, et que ça cadre les jams parfois un peu longuettes des fois d'avant et aide à construire des ambiances qui vont bien au teint des petits gars de Warwick. Non parce que, fondamentalement, la faconde de l'ex-trio est inchangée, c'est de l'EBB certes plus light, moins hirsute, mais de l'EBB tout de même avec quelque saillies (The Birth, Don't Know Which Way It Is, House of Turnabout, Getting Hard/What Is a Woman for? ou le rampant Madhatter, tous d'excellents exemples de proto-metal ou blues psychédélique comme on l'appelait alors) qui contrebalancent bien les éfluves patchouli de Piece of My Own, Poppy ou Thinking of You, bien réalisées, d'ailleurs. Bref, en restant lui-même mais en un peu plus professionnel, un peu plus produit, l'EBB réalise son album le plus immédiatement sympathique et un des joyaux de sa couronne d'éternel prétendant au trône. Recommandé.

1. Evening Over Rooftops 5:00
2. The Birth 3:21
3. Piece of My Own 2:46
4. Poppy 2:14
5. Don't Even Know Which Day It Is 4:20
6. House of Turnabout 3:08
7. Madhatter 6:14
8. Getting Hard/What Is a Woman For? 7:29
9. Thinking of You 2:04
10. For Doctor Spock Parts 1 & 2 3:50
Bonus
11. Hotel Room 4:04
12. Call Me a Liar 4:27
13. Bring It on Home 3:27

Edgar Broughton - Vocals, guitar
Arthur Grant - Bass guitar, vocals
Steve Broughton - Drums, vocals
Victor Unitt - Guitar, harmonica, piano, organ, vocals

EDGAR BROUGHTON BAND

THe RiGHT LyNNe
Electric Light Orchestra "The Electric Light Orchestra" (1971)
ou "Grandes Pompes"

Dès les débuts d'Electric Light Orchestra, au tout début des 70s, Jeff Lynne, cette fois largement concurrencé par le futur Wizard Roy Wood, encore plus multi-instrumentiste que lui et presque aussi talentueux, le tout secondé par le batteur Bev Bevan, les trois ayant participé à The Move, on reste en famille, pose les bases d'une pop orchestrale classieuse et qui s'assume pompeuse et se moque du qu'en dira-t-on. Par forcément du meilleur goût, outrancier dans son mélange de rock, de pop et de musique orchestrale ? Oui mais, justement, c'est ça qui est bon. D'autant qu'avec des compositions (et des arrangements) pareils, Wood s'imposant comme le plus traditionnel des deux compositeurs/leaders avec la pop baroque de Look at Me Know ou l'épique The Battle of Marston Moor, tandis que Lynne cherche l'ouverture entre hard rock symphonique (10538 Overture) ou une talentueuse évocation des ses influences gerswhinesque (Manhattan Rumble), juste d'une collection sans faux pas, on est rapidement sous le charme. D'aucun diront que, parce que Lynne n'a d'autre choix que de partager, cet éponyme inaugural est la plus belle pièce des symphopoppistes en devenir, je n'irai pas jusque là mais recommanderai tout de même chaudement cet ELO à part et vraiment très réussi.

1. 10538 Overture 5:32
2. Look at Me Now 3:17
3. Nellie Takes Her Bow 5:59
4. The Battle of Marston Moor (July 2nd 1644) 6:03
5. First Movement (Jumping Biz) 3:00
6. Mr. Radio 5:04
7. Manhattan Rumble (49th Street Massacre) 4:22
8. Queen of the Hours 3:22
9. Whisper in the Night 4:50
Bonus
10. Battle of Marston Moor (Alternate take) 1:00
11. Nellie Takes Her Bow (Alternate mix) 6:02
12. Mr. Radio (Take 9) 5:19
13. 10538 Overture (Alternate mix) 5:46

Jeff Lynne – vocals, piano, electric guitar, acoustic guitar, percussion, bass, Moog synthesizer
Roy Wood – vocals, cello, classical acoustic guitar, bass, double bass, oboe, bassoon, clarinet, recorder, slide guitar, percussion, bass clarinet, krumhorn
Bev Bevan – drums, timpani, percussion
Bill Hunt – French horn, hunting horn, piccolo trumpet
Steve Woolam – violin
&

Richard Tandy – bass, keyboards
Wilf Gibson – violin
Hugh McDowell – cello
Mike Edwards – cello
Andy Craig – cello

THE ELECTRIC LIGHT ORCHESTRA

Le CLaSSiQue
Wishbone Ash "Argus" (1972)
ou "Lucky Bone"

On ne dira jamais assez tout le bien qu'il faut penser de Wishbone Ash, l'influence décisive qu'eut ce grand groupe trop méconnu sur moult formations ô combien référentielles telles que Thin Lizzy ou Iron Maiden (et indirectement la myriade de formations suivant ces deux autres authentiques légendes). Alors quand on en vient à évoquer une des plus belles pages de leur foisonnant catalogue (24 albums studio, 12 lives, des compilations et des singles comme s'il en pleuvait), cet Argus de 1972, on commence, forcément, par mentionner les doubles-guitares d'Andy Powell et Ted Turner, élément décisif du son d'une formation navigant entre hard rock, blues et rock progressif. C'est peut-être de là, de cette polyvalence stylistique, que vinrent les difficultés du groupe à s'imposer à un plus grand public que celui qui se repaît des délices musicaux dont il est capable. Et il en est très capable, en particulier dans ses jeunes années, en particulier sur cet Argus où rien n'est autre que très bon, 8 titres, 8 bombes de rock finement composé, supérieurement interprété par un quatuor mariant acoustique et électrique, compositions directes et raffinées en un tout qui ne devrait pas laisser indifférent. Parce que Time Was vaut bien toutes les formations de classic rock de ces bouillonnantes 70s avec ses atours sudistes, son lent et progressif développement, les performances de ses deux guitaristes virtuoses, celle-ci, tour de force introductif d'un album qui ne baissera jamais de niveau, juste citée pour l'exemple d'une galette ô combien réussie (mais peut-être pas assez frontalement hard rockante que certains l'auraient voulu, Wishbone Ash ne sont pas des brutes). Quand on ajoute les nombreux bonus live de la version remasterisée dite "Deluxe", étant entendu Wishbone Ash, excellent en studio l'est encore plus en live (voir un Phoenix partant souvent dans des jams de longue durée sans jamais lasser ou le référentiel Live Dates dont il sera difficile de se passer), il n'y a plus à hésiter pour recommander un groupe, et cet album encore un peu plus que les autres de sa période classique, à toutes celles et tous ceux qui goûtent à un (hard) rock pleinement développé mais jamais inutilement démonstratif parce que Wishbone Ash, toujours en activité si Powell en est le seul membre restant comme sur le Blue horizon de belle qualité sorti dernièrement, est un trésor et qu'Argus en est son plus beau joyau, on ne devrait pas avoir à en dire plus.

1. Time Was 9:42
2. Sometime World 6:55
3. Blowin' Free 5:18
4. The King Will Come 7:06
5. Leaf and Stream 3:55
6. Warrior 5:53
7. Throw Down the Sword 5:55
Bonus
"Live from Memphis" promotional EP
8. Jail Bait 4:57
9. The Pilgrim 10:10
10. Phoenix 17:05

CD Bonus
BBC session 1972
1. Time Was 10:14
2. Blowin' Free 5:51
3. Warrior 5:44
4. Throw Down the Sword 6:47
5. King Will Come 8:11
6. Phoenix 19:35
7. Blowin' Free 5:38
8. Throw Down The Sword 6:13

Martin Turner - bass guitar, vocals
Andy Powell - lead and rhythm guitar, vocals
Ted Turner - lead and rhythm guitar, vocals
Steve Upton - drums, percussion
&
John Tout - organ on "Throw Down The Sword"

WISHBONE ASH

TouT Nu eT TouT BLeuTé
Led Zeppelin "Houses of the Holy" (1973)
ou "Saint est le Baigneur"

Houses of the Holy est le premier album où Led Zeppelin se cherche sans tout à fait se trouver. Ça n'en fait pas un mauvais album pour autant, parce que ces gars-là, même quand ils tâtonnent, ont de l'or dans les doigts, juste un peu moins décisif que tout ce qui a précédé... Alors, certes, il y a encore de vrais classiques, et encore un vrai goût de la provocation (et pas seulement avec la pochette polémique de Storm Thorgerson) mais de, audiblement, de nouvelles ambitions. De fait, ce n'est plus cette formation fondatrice des quatre premiers albums, cette bête de hard rock sachant glisser vers la folk ou le blues sans jamais rien perdre de sa morgue, c'est une formation en réévaluation de ses possibles, une formation à l'ouverture.... Du coup, Houses of the Holy, le premier album avec un vrai titre d'ailleurs, est moins focus, plus explosé et passionnant exactement pour ça. Et si tout ne réussit pas (le funk de The Crunge est rigolo mais demeure accessoire), c'est tout de même d'une fort belle collection dont il s'agit. Une collection où les amateurs du groupe d'avant pourront se raccrocher à quelques titres (le dynamique The Song Remains the Same en introduction, les inspirés mid-tempo Over the Hills and Far Away, Dancing Days et The Ocean un peu plus loin et en conclusion de l'album) pour plus aisément attaquer la face exploratrice de la galette où avec la ballade psyché-folk The Rain Song (superbe !),  le reggae sauce Page/Plant D'yer Mak'er et le spatial et épique No Quarter (un peu comme si Led Zeppelin se prenait pour les Doors de The End essayant de faire du Pink Floyd), il y a du grain à moudre et de la qualité à tous les étages. Sur une moitié d'album qui ose, ça fait tout de même 75% de réussite, et quelle réussite ! Ultime remaster, dit-on, oblige, un petit cd de bonus vient rallonger la sauce de quelque outtakes ou versions de travail des morceaux de l'album qui, sans être exactement essentiels, ont l'avantage de permettre d'un peu mieux comprendre la cuisine interne du quatuor, pas si mal et pas inutile du tout. Bref, si Houses of the Holy n'est indéniablement pas le plus grand classique de Page, Plant, Jones et Bonham, c'est une excellente galette prouvant que le Led Zeppelin des quatre premiers albums, dont on ne vantera jamais assez les mérites, c'est entendu, pouvait encore évoluer et surprendre, ce que continuera d'ailleurs de prouver Physical Graffiti. Et tout ça nous fait ? Un classique, absolument !

Definitive Remaster
1. The Song Remains the Same 5:32
2. The Rain Song 7:39
3. Over the Hills and Far Away 4:50
4. The Crunge 3:17
5. Dancing Days 3:43
6. D'yer Mak'er 4:23
7. No Quarter 7:00
8. The Ocean 4:31

Bonus Disc
1. The Song Remains the Same (Guitar Overdub Reference Mix) 5:29
2. The Rain Song (Mix Minus Piano) 7:45
3. Over the Hills and Far Away (Guitar Mix Backing Track) 4:22
4. The Crunge (Rough Mix - Keys Up) 3:16
5. Dancing Days (Rough Mix with Vocal) 3:46
6. No Quarter (Rough Mix with JPJ Keyboard Overdubs - No Vocal) 7:03
7. The Ocean (Working Mix) 4:26

John Bonham – drums, backing vocals
John Paul Jones – bass guitar, keyboards, synthesiser bass, backing vocals
Jimmy Page – acoustic, electric and pedal steel guitars, theremin on "No Quarter", production
Robert Plant – lead vocals

LED ZEPPELIN

PoP oPéRa
10cc "The Original Soundtrack" (1975)
ou "10cc de bonheur"

Évidemment, il y a le tube, celui qui, en France tout au moins, occulte toute la carrière d'une des plus belles bêtes pop d'après les Beatles, ce I'm Not in Love d'ailleurs incompris par les francophones, un peu comme le Born in the USA du Boss, excellente chanson de non-amour recyclée en slow poisseux, mais sur The Original Soundtrack il y a aussi l'exceptionnel Une Nuit à Paris, suite "progopoppiste" à dégoûter Queen un an avant Bohemian Rhapsody, sans autant de succès, sans doute trop finaud, injustice. Et puis d'autres chansons qui font mouche, un Blackmail au groove d'enfer et à la mélodie itou, du hard rock d'opérette qui s'assume avec l'irrésistible The Second Sitting for the Last Supper, de la belle ballade épique à faire baver le Mercure de Mai (Brand New Day), une petite coolerie les cheveux au vent mais toujours la théâtralité du quatuor (Flying Junk), de la pop plus Broadway que Carnaby Street mais tellement bien troussée qu'on n'y résiste pas (Life Is a Minestrone), et une dernière folie kitsch qui nous fait glisser en gondole à Venise histoire de boucler la boucle d'un albim qui assume d'avoir envie de toucher à tout même ce qui est supposément de mauvais goût (The Film of My Love). Et encore un peu plus avec un délicieux bonus, une post-McCartneyserie ou pré-Partridgerie  d'exception (Channel Swimmer) et un second plus accéssoire, un peu sans direction (Good News) mais, bon, c'était une face B à l'époque et un bonus aujourd'hui, faut pas se plaindre... Bref, ce minuscule bémol mis à part, oui, vraiment, en 1975, 10cc a le truc, sort son plus bel opus et un des tous meilleurs albums pop des septantes. Épatant !

1. Une Nuit A Paris 8:40
Lol Creme – Vocals, Pianos, Vibes, Percussion
Eric Stewart – Vocals, Steel Guitar
Graham Gouldman – Vocals, Bass, Percussion
Kevin Godley – Vocals, Drums, Timpani, Percussion

2. I'm Not in Love 6:08
Eric Stewart – Lead Vocal, Electric Piano
Graham Gouldman – Guitar, Bass, Backup Vocals
Kevin Godley – Moog, Backup Vocals
Lol Creme – Piano, Backup Vocals

3. Blackmail 4:28
Lol Creme – Vocals, Organ
Kevin Godley – Vocals, Drums
Eric Stewart – Vocals, Guitar, Steel Guitar, Piano
Graham Gouldman – Vocals, Guitar, Bass

4. The Second Sitting for the Last Supper 4:25
Eric Stewart – Lead Vocals, Guitar, Organ, Piano, Electric Piano, Backup Vocals
Kevin Godley – Drums, Percussion, Backup Vocals
Lol Creme – Guitar, Percussion, Piano, Backup Vocals
Graham Gouldman – Guitar, Bass, Backup Vocals

5. Brand New Day 4:04
Kevin Godley – 1st Lead Vocal, Marimba, Bass Drum, Timpani, Cellos, Backup Vocals
Eric Stewart – 2nd Lead Vocal, Guitar, Backup Vocals
Lol Creme – Pianos, Gizmo, Violins, Moog, Backup Vocals
Graham Gouldman – Bass, Double Bass, Backup Vocals

6. Flying Junk 4:10
Eric Stewart – Lead Vocals, Lead Guitar, Electric Piano, Piano
Graham Gouldman – Bass, Acoustic Guitar, Six String Bass, Autoharp, Backup Vocals
Lol Creme – Acoustic Guitar, Piano, Autoharp, Backup Vocals
Kevin Godley – Drums, Percussion, Backup Vocals

7. Life Is a Minestrone 4:42
Lol Creme – Lead Vocal, Piano, Electric Piano, Percussion, Guitar, Backup Vocals
Kevin Godley – Drums, Timbali, Percussion, Backup Vocals
Eric Stewart – Guitar, Backup Vocals
Graham Gouldman – Bass, Guitar, Acoustic Guitar, Backup Vocals

8. The Film of My Love 5:07
Graham Gouldman – Lead Vocals, Bass, Guitar, Mandolins
Eric Stewart – Guitar, Organs, Percussion, Backup Vocals
Lol Creme – Piano, Percussion, Mandolins, Backup Vocals
Kevin Godley – Bongos, Percussion, Backup Vocals

Bonus
9. Channel Swimmer 2:56
10. Good News 3:50

10CC

DiRTy auSSieS
AC/DC "Dirty Deeds Done Dirt Cheap" (1976)
ou "Assez d'essais"

Premier album quasi-identique (la tracklist est légèrement différente tout comme la pochette, conceptualisée par Storm Thorgerson dans la version pour tous) à l'international et dans leur Australie d'origine, Dirty Deeds Done Dirt Cheap est une étape de plus dans la conquête du monde par le plus improbable des combos d'affreux sales et méchants rockers, AC/DC avec son lead-guitariste en habit d'écolier, ridicule ! Mais la musique, man, la musique, ce machin qui vous pète à la tronche, vous fait irrésistiblement remuer du chef et battre de la semelle, ce son gras de blues bien pêchu, cette voix aussi, rauque, qui roule dans vos cages à miel pour le décrassage de rigueur... Fantastique ! Or, donc, après High Voltage et TNT en 1975, quelques mois seulement après la sortie de leur premier album international compilant leur deux galettes australiennes initiales, voici l'album qui enfonce le clou, prouve que ce quintet a des arguments à faire valoir et que sa formule, à priori limitée, peut produire moult trésors. Cela en fait-il le meilleur album du groupe ? Sans doute pas (voire l'inénarrable Highway to Hell pour ça) mais avec des classiques tels que le menaçant Dirty Deeds Done Dirt Cheap, le rigolard mais toutefois sévèrement burné Big Balls, le boogie nerveux mené tambours battants de Rocker, le déjà typique et définitivement efficace Problem Child, ou, pour ne plus citer que celui-ci et éviter l'énumération systématique, le gros blues de la mort qui tue Ride On sur lequel Bon étale tout l'immense feeling de sa voix rauque and roll... Bref, neuf titres pour un évident triomphe démontrant alors qu'AC/DC n'était pas qu'un épiphénomène mais bien une valeur avec qui il allait falloir compter, et tout ça fait un album classique mais vous le saviez sûrement déjà.

1. Dirty Deeds Done Dirt Cheap 3:52
2. Love at First Feel 3:12
3. Big Balls 2:38
4. Rocker 2:50
5. Problem Child 5:46
6. There's Gonna Be Some Rockin' 3:18
7. Ain't No Fun (Waiting Round to Be a Millionaire) 6:54
8. Ride On 5:53
9. Squealer 5:27

Bon Scott – lead vocals
Angus Young – lead guitar
Malcolm Young – rhythm guitar, backing vocals
Mark Evans – bass guitar
Phil Rudd – drums

AC/DC

CHaT Me Va
Al Stewart "Year of the Cat" (1976)
ou "Bonne Année"

Il a tellement été un classique de son temps, les 70s, tellement traîné dans les brocantes et les bacs des disquaires d'occasion (à l'époque du vinyl, souvenez-vous !) qu'on a fini par prendre le Year of the Cat d'Al Stewart pour argent comptant sans plus vraiment se le mettre dans l'oreille, sorte de passager familier de nos errances musicales lointaines il parait usé avant même qu'on ne le glisse, numérisé dans son petit format iridescent, dans le tiroir prévu à cet effet. Erreur. Erreur parce que le bel album que voici ! Il faut dire que dès l'emballage, la pochette conçue par Storm Thorgerson et la mise en son d'Alan Parsons (on nage en pleine galaxie floydienne !), les petits plats dans les grands, pour une musique classic (soft) rock où subsistent, forcément !, les racines folk du bonhomme, qui roule dans l'oreille de l'auditeur d'un joli et planant Lord Grenville, du rythmé On the Border, de l'ensoleillé Sand in Your Shoes, de la belle folk-rock un poil pop, un poil bluesy de Flying Sorcery au verbeux morceau éponyme final et sa pompe raisonnable (sans compter les trois bons bonus de ce remaster, donc, et en oubliant sciemment le reste d'une sélection où rien ne manque sa cible), on est totalement sous le charme... A condition d'apprécier le soft rock des septantes à son apogée, évidemment. Parce que c'est ça Year of the Cat, un album évidemment totalement maîtrisé par d'excellents musiciens, un luxe d'arrangement millimétrés bien-sûr, mais surtout un opus à la cool qui évoquera aux quinquas qui y étaient les vapeurs d'une jeunesse depuis longtemps évanouie.

1. Lord Grenville 5:00
2. On the Border 3:22
3. Midas Shadow 3:08
4. Sand in Your Shoes 3:02
5. If it Doesn't Come Naturally, Leave It 4:28
6. Flying Sorcery 4:20
7. Broadway Hotel 3:55
8. One Stage Before 4:39
9. Year of the Cat 6:40
Bonus
10. On the Border [live] 3:48
11. Belsize Blues 3:30
12. Story of the Songs 9:42

Al Stewart - vocals, guitar, keyboards
Peter White - guitar, keyboards
John Perry - background vocals
Tim Renwick - guitar
Andrew Powell - string arrangements
Bobby Bruce - violin
Marion Driscoll - percussion
Stuart Elliott - drums, percussion
George Ford - bass
Phil Kenzie - alto saxophone
Don Lobster - keyboards
David Pack - background vocals
Tony Rivers - background vocals
Graham Smith - harmonica
Peter Wood - keyboards

AL STEWART

SaBBATH PaS MieuX
Black Sabbath "Technical Ecstasy" (1976)
ou "Le Début de la Fin"

C'est à partir de là que ça ne va plus vraiment, à partir de là que le Black Sabbath avec Ozzy Osbourne n'est plus ce pétulant destrier tout de métal cuirassé mais une bande de mecs prématurément vieillissants, usés par les tournées et les abus dont la créativité souffre... Terriblement. Evidemment, comme ce sont des malins, ils cachent la misère avec quelques bonne chansons, las, trop peu pour que ce Technical Ecstasy fasse illusion au-delà de la maline pochette conçue par Storm Thorgerson. Il faut dire que les nombreux soucis juridiques (ils sont en guerre avec tout le monde, en gros), le désintérêt de trois des quatre membres laisse un Tony Iommi bien seul à la barre, trop seul sans doute. Et ce n'est pas l'exil floridien et un enregistrement énormément coûteux qui a du améliorer le moral d'un guitariste qui, déjà taciturne frise carrément la dépression voyant SON groupe se déliter sous ses yeux sans qu'il ne puisse y faire grand chose. Et du coup, ça ne fait pas de Technical Ecstasy un bon album. Ok, Back Street Kids en ouverture fait illusion mais ressemble vraiment beaucoup trop (en moins bien) à Children of the Grave pour qu'on s'en contente, et You Won't Change Me, machin presque gothique, est très réussi mais la suite.... Une ballade trop quelconque chantée par Bill Ward (en plus) ? Au suivant ! Gypsy et l'imbécile récitatif d'Ozzy sur une composition de toute manière fort peu inspirée ? Au suivant ! All Moving Part ou Black Sabbath au radar et dans le brouillard ? Au suivant ! Rock’n’roll Doctor en tentative péri-sudiste sans sève ? Au suivant ! Heureusement l'affaire finit (presque) en trombe avec une jolie ballade à la Changes (She's Gone, pas essentiel mais sympathique) et la toute meilleure composition de l'album (Dirty Women, du vrai Black Sabbath classique et inspiré comme on n'en attend plus alors et certainement pas si tard sur un album si décevant) mais c'est trop et trop peu pour ne pas considérer Technical Ecstasy comme ce qu'il est vraiment : la première sortie de piste d'un groupe qui jusqu'alors ne nous avait fait faux bon, symptôme, nous le savons désormais d'une séparation à venir mais ça, c'est une autre histoire...

1. Back Street Kids 3:47
2. You Won't Change Me 6:42
3. It's Alright 4:04
4. Gypsy 5:14
5. All Moving Parts (Stand Still) 5:07
6. Rock 'n' Roll Doctor 3:30
7. She's Gone 4:58
8. Dirty Women 7:13

Ozzy Osbourne – lead vocals
Tony Iommi – guitar
Geezer Butler – bass guitar
Bill Ward – drums, lead vocals on "It's Alright"
&
Gerald "Jezz" Woodroffe – keyboards

BLACK SABBATH